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La réalité de la fiction - Milo Rau, artiste associé

Updated: Nov 22, 2018

Le 25 Octobre, 2018. La coupole, séance de clôture de la journée.




Pour la dernière conférence de la journée, Milo Rau prend la parole pour nous présenter son Manifeste. En compagnie de Ronan Ynard, youtuber, Milo Rau dépeint les 10 points qui conforment ce manifeste que nous pourrions penser en résonance avec l'idée de rupture du dispositif (The Apparatus) présentée par Thomas Bellinck. En effet, le metteur en scène suisse propose une rupture avec le dispositif institutionnalisé du théâtre. Il ne cherche pas seulement à créer de spectacles, mais d’encrer ses formes dans le réel. Pour lui, le théâtre est un lieu du possible, un lieu du réel à devenir.


Il détourne les codes de la création contemporaine, pour radicaliser son art, tel est le cas dans les points six, sept et huit. Tandis que certain artistes utilisent ces motifs comme élément esthétique et poétique dans ces créations, Milo Rau va au-delà, en les utilisant comme moyen de confrontation à l'institution. Par exemple, l'utilisation des différentes langues n'a pas seulement un but esthétique, mais politique, celui d'ouvrir l'art au plus grand nombre de publics. Publics, car son objectif est d'atteindre un public autre que celui qui est un habitué du théâtre.


En outre, il rompt également avec l'adaptation des répertoires. En menant un travail d'écriture collective, Milo Rau s'oppose à un théâtre d'adaptation. Il considère que le théâtre d'aujourd'hui a perdu sa qualité créatrice pour gagner une qualité adaptatrice. Pour lui, le travail du metteur en scène consiste à créer des nouvelles formes qui mettent en lumière le tragique de notre monde contemporain.


Mais pourquoi une réalité de la fiction ? Le travail de Milo Rau atténue les frontières entre la fiction et la réalité par la nature de ses spectacles qu'il définie comme des vérités de la mémoire, et non des vérités historiques. Nous avons l'exemple de "Hate Radio" qui met en scène tout un dispositif radial réel en retraçant le génocide rwandais. Toute l'émission radial est construite sur des vraies extraits des émissions rwandaises en 1994, dans un contexte décontracté, mais sans lequel ont aperçoit l'idéologie véhiculée à l'époque. Pour nous, occidentaux, français ou étranger, cette vérité de la mémoire peut nous paraître abstraite, mais pour un rwandais ce ne serait pas le cas. Par exemple dans la trilogie sur l'Europe, cette vérité de la mémoire devient plus concrète, chaque comédien qui participe, témoigne son propre vécu, sa propre expérience dans les conflits qui ont traversé l'Europe.


Mais ce qui est intéressant à pointé dans le travail de Milo Rau, est l'exemple du "Tribunal du Congo". Dans ce spectacle, le théâtre a créé à partir de la fiction une réalité. Le spectacle est sorti de son statu de représentation d'une réalité possible, pour s'encrer dans le réel et ainsi créer une réalité concrète.. Le premier point du manifeste est mis en ouvre, est concrétisé. La réalité a rattrapé la fiction et la représentation a eu des effets dans le monde.


Ainsi j'invite au lecteur, sur cette brève réflexion, à s'interroger sur comment aujourd'hui, artistes et chercheurs peuvent penser l'art théâtral non seulement comme une forme artistique, mais comme une forme radical créatrice de changement dans le réel ? Comment pouvons-nous mener une démarche qui brise les codes de la représentation pour produire des changements sociaux, politiques et culturels ? Autrement dit, comme l'a bien exposé Milo Rau, quel démarche prendre pour proposer une projection du présent sur le passé pour parler du demain ?


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