Un type de théâtre qui allie activisme féministe et dramaturgie contemporaine des marionnettes ? A la fois auteure et performeuse de théâtre visuel, Marta Cuscunà porte une visée mécanique et technologique de son théâtre avec l’idée de créer un imaginaire où les marionnettes sont porteuses de messages politiques.
Si en Italie, il existe une énorme tradition du théâtre de marionnettes, Marta Cuscunà a voulu, elle, changer cette vision infantilisante des marionnettes qui est souvent associé à un théâtre pour enfants. Mélangeant un type de langage figuratif avec des thèmes politiques forts, la metteure en scène écrit des monologues pour ses marionnettes, où un public plus adulte viendra se réconcilier avec ce théâtre considéré comme enfantin. Selon Marta, “les marionnettes peuvent traiter de sujets très profonds et peuvent être très efficaces dans leur message”.
De ces monologues qu’elle créé, Marta Cuscunà tient à transmettre son artivisme : une contraction entre art et militantisme. L’interprète des marionnettes, use de l’outil communautaire et collectif du théâtre comme un moyen artistique de créer de l’empathie et d’ouvrir la perception du spectateur. Pour elle, les marionnettes servent de « drapeau blanc » face un public qui pourrait avoir des préjugés sur les thématiques du féminisme et de l’antiracisme. Elles sont aussi un moyen de créer un pont pour les personnes qui ne sont pas prêtes à affronter ces questions profondes et ces discours engagés. Comme une nouvelle forme de revendication, cet artivisme passe par la symbolique des marionnettes dans le but d’imaginer un monde de revendication et qui est encore inexistant pour une partie des spectateurs.
Dans Sorry Boys qu’elle a créé en 2015, elle reprend le fait divers de Gloucester de ces 18 adolescentes qui ont choisi de tomber enceinte en même temps par un pacte secret. La performeuse a alors imaginé un dialogue de têtes coupées de tout l’entourage de ces adolescentes : pères adolescents, infirmière, directeur du lycée, parents. Installés comme des tableaux de chasse, on y voit le visage de ces protagonistes contrôlés par Marta. Etant cachée derrière une installation murale, son corps demeure invisible et en symbiose avec ses marionnettes qu'elle contrôle. Cette mise en scène imagine ainsi l’entourage de ces adolescentes discuter des événements imprévus auxquels ils sont tous confrontés. Marta Cuscunà vient ainsi repenser l’opinion publique qui s’est immiscée dans le choix sexuel de ces adolescentes.
Comme le prouvent l'histoire et les revendications féministes, le corps féminin a été et demeure encore un terrain de torture et d’oppression politique. L'image que renvoie Marta dans son théâtre, contrôlant ces marionnettes, inverse la position dominante masculine. Sorry Boys, rend compte d’une expérience féminine plurielle qui se rebelle face à une réalité de l’histoire, où la domination des femmes perdure dans le système patriarcal. Ce qui inverse cette vision du système dans ce spectacle est alors de laisser les protagonistes adolescentes en dehors de la dramaturgie et de laisser place à la parole masculine qui doit prendre responsabilité sur la question de l’égalité.
Rappelons alors que l’écoféminisme se définit comme un parallélisme entre la domination des femmes, des animaux et de la nature qui sont dans un système patriarcal, objets de consommation et d’exploitation. Dans un mouvement de lutte qu’elle tient à transmettre de son théâtre de marionnettes, Marta Cuscunà tient un discours à la fois écologiste féministe et un discours décolonial. Elle initie avec son équipe technique, un travail mécanique et plastique de ses marionnettes : à la fois humaines et animales, elle imagine des spécimens mixés biologiquement donnant, ce qu’elle appelle, des symbiotes. Son corps qui sera en symbiose avec ces marionnettes sur la scène théâtrale, rend, Marta commande et rend vivants des spécimens imaginaires. Pour ces processus de création, elle s’appuiera notamment sur la notion de « sympoiesis » qui définit des systèmes évolutifs ayant le potentiel de changements surprenants. Marta Cuscunà manifeste ainsi sa contribution à une génération future qui se voit répondre par l’artivisme à une question que pose l’urgence climatique : comment allier théâtre visuel et écoféminisme ?
"We are symbiotes on a symbiotic stage."
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